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Jeu de chaises musicales entre Poutine et Medvedev

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Jeu de chaises musicales entre Poutine et Medvedev

Lors du Congrès du parti Russie unie, tenu le 24 septembre dernier, le président Russe Dmitri Medvedev et «son» Premier ministre Vladimir Poutine ont dévoilé leur stratégie concernant les élections parlementaires et présidentielles de décembre 2011 et mars 2012 respectivement. Ainsi, Poutine sera le candidat du parti lors des élections présidentielles. De son côté, Medvedev, dans un premier temps, dirigera les troupes de Russie unie lors des élections parlementaires et, dans un deuxième temps, deviendra le premier ministre à la fin de son mandat présidentiel en mai 2012.

Ce «remaniement» au sein de l’élite dirigeante mettra un terme à la période du «tandem» Poutine/Medvedev caractérisée par un pouvoir dual. En effet, Dmitri Medvedev a occupé au cours des quatre dernières années la plus haute fonction de l’État et Vladimir Poutine a joué le rôle politique le plus important. Ce jeux de chaises musicales entre les deux politiciens vise à prolonger pendant encore plusieurs années le pouvoir de l’élite dirigeante russe, car, en effet, le chef de cette élite, Poutine, pourrait théoriquement rester au Kremlin pendant deux autres mandats de six ans, soit jusqu’en 2024. Cette élite politique est réfractaire à la mise en œuvre de changements systémiques, jugés nécessaires autant par les observateurs occidentaux que russes, et rechigne à engager l’économie russe dans un véritable processus de modernisation parce que tel projet conduirait à terme à l’érosion de son pouvoir. Toutefois, des ajustements à cette politique conservatrice, en particulier dans le domaine économique, pourraient être imposés à la classe politique dirigeante par la prochaine vague de turbulence économique à l’échelle mondiale.

Un élément clé de la stratégie de succession est la participation de Medvedev dans l’organisation de la campagne électorale de Russie unie, un parti politique sans idéologie bien définie et composé principalement de responsables gouvernementaux œuvrant aux différents échelons de la hiérarchie étatique. Cette décision signifie que Medvedev abandonne toute tentative de constituer une force politique indépendante, à la fois pendant la période présente et dans l’avenir.

Le retour de Poutine signifie aussi que l’institution politique la plus puissante, la présidence, retrouvera les attributs de sa puissance. En effet, depuis 2012 le Premier ministre Poutine joue un rôle politique de premier plan, voire suprême, alors que le président Medvedev semble se contenter de mettre en pratique les directives de «son» premier ministre.

Après le retour attendu de Poutine à la présidence, l’administration présidentielle redeviendra le centre de décision suprême et le gouvernement russe, dirigé par Medvedev, sera à nouveau confiné dans le rôle d’exécuteur des politiques élaborées par le Kremlin. Ce dernier, comme lors de ses huit premières années de gouvernance, de 2000 à 2008, sera en mesure de se dédouaner des éventuels problèmes économiques et sociaux en mettant en cause la responsabilité et l’efficacité du premier ministre et de son gouvernement. Un remaniement ministériel est également fort probable. Medvedev pourrait offrir à plusieurs de ses proches collaborateurs de l’Administration présidentielle des postes au sein de son futur gouvernement (Arkady Dvorkovich, conseiller économique du président Medvedev, est un nom qui revient souvent dans les conversations). Poutine, pour sa part, pourrait intégrer à son administration présidentielle ses proches collaborateurs au gouvernement actuel (Igor Sechin, vice-Premier ministre chargé de l’énergie, est un candidat potentiel). Afin d’améliorer l’image de la Russie – et la sienne – à l’étranger (entre autres raisons), Poutine cherchera possiblement à infuser le gouvernement russe de ministres partageant un point de vue libéral sur la stratégie d’intervention en matière de développement économique. Une telle approche sera perçue par les États-Unis et l’Union européenne comme une continuation de la politique de modernisation économique entamée sous Medvedev.

Il faut s’attendre à ce que le président Poutine, surtout durant la première année de son mandat, adopte une politique en droite ligne avec celle que poursuit Medvedev depuis 2008 et similaire à celle mise en œuvre durant son premier mandat présidentiel (2000-2004) : une modernisation économique sans empressement et une politique étrangère plutôt pragmatique, orientée vers une coopération active avec l’Occident et évitant tout conflit majeur avec les grandes puissances.

En politique intérieure, on doit s’attendre à peu de changement étant donné l’objectif de l’élite politique de conserver le pouvoir à tout prix. Le gouvernement russe sert avant tout les intérêts de la classe dirigeante, impliquée dans une large panoplie d’activités économiques louches et de «combines» où d’énormes sommes d’argent sont en jeu. Il s’ensuit que les membres de l’administration présidentielle tentent constamment de bloquer le développement de toute concurrence dans les arènes politique et économique. Une fois Poutine réélu président en mai 2012, la réforme du système politique, l’accroissement de l’indépendance du système judiciaire et de la transparence dans les prises de décision, le soutient aux initiatives économiques et sociales et la lutte contre la corruption seront à nouveau remis aux calendes grecques. L’autoritarisme «patrimonial» continuera d’imprégner la présidence et l’administration publique. Le système politique russe conservera son simulacre de pluralisme et de démocratie.

En politique étrangère, les jalons posés par Medvedev (le «reset» avec les États-Unis, le «Partenariat pour la modernisation» avec l’Allemagne, le partenariat avec les BRICS, l’Organisation de coopération de Shanghai, etc.) seront renforcés en conjonction avec une position plus ferme sur le projet américain de défense antimissile en Europe centrale et orientale et une pression accrue sur les pays de la Communauté des États indépendants (CEI) pour qu’ils s’associe notamment à la construction de l’Espace économique commun.

Cependant, la politique russe sous une présidence de Vladimir Poutine en mai 2012 sera grandement influencée par des facteurs externes, tels que l’évolution de la politique interne et étrangère américaine après l’élection présidentielle de novembre 2012 et en particulier les conséquences d’un deuxième soubresaut probable de l’économie mondiale, qui conduirait à une sérieuse détérioration des conditions socio-économique en Russie.

Le programme politique de Poutine (l’abandon de l’impôt uniforme, et la poursuite du programme de privatisation, entre autres projets) suggère que l’élite prend très au sérieux la possibilité d’une nouvelle récession économique (deuxième soubresaut de l’économie mondiale) et de l’abaissement des prix des matières premières sur les marchés mondiaux. Poutine et ses conseillers sont, semble-t-il, déjà à la recherche de sources additionnelles de financement pour garder l’équilibre des comptes publics. Une détérioration plus grave de la situation économique, déjà précaire, pourrait également forcer le gouvernement à procéder à des coupes drastiques dans les programmes publics, notamment dans protection sociale et le budget de défense.

Le départ soudain du vice-Premier ministre et ministre des Finances Alexeï Koudrine, au lendemain du Congrès de Russie unie le 26 septembre, est un autre signe inquiétant à court terme pour l’économie. Koudrine, qui a tenu les rênes des finances publiques pendant douze ans, a été contraint à la démission par le Président Medvedev (avec l’accord du Premier ministre Poutine) après avoir déclaré qu’il ne voulait pas faire partie d’un futur gouvernement qui serait conduit par Dmitri Medvedev. Afin de rassurer ses partenaires économiques et les investisseurs étrangers, le gouvernement russe va probablement nommer un autre économiste libéral au poste de ministre des Finances.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.

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