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Où va la Russie ?

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Où va la Russie ?

Une question taraude actuellement les organisateurs de conférences à Paris et les publications françaises de politique étrangère : où va la Russie ? Cet immense pays-continent de 17 millions de kilomètres carrés inquiète. Il est vrai que les espérances nourries pour / par V. Poutine depuis maintenant 15 ans étaient peu raisonnées et peu raisonnables. La guerre en Ukraine, depuis plus d’un an, a finalement ouvert les yeux à beaucoup même si il reste un large soutien dans des pans de l’opinion publique qui vont de l’extrême droite à l’extrême gauche. Beaucoup de ceux qui admirent un “régime fort” seraient les premiers à pousser des hauts cris si un gouvernement français s’autorisait 10% du contrôle de V. Poutine sur les médias… mais passons sur ces charmantes contradictions de l’esprit local.

N’en déplaise aux admirateurs de la plastique avantageuse de V. Poutine, la Russie va dans le mur pour au moins trois raisons.

Dans le mur de ses voisins

Héritage des années 1990, la Russie reste présente en Transnistrie, une partie sécessionniste de la Moldavie. Durant les années Poutine (2000 – ) la Russie s’est autorisé à plusieurs reprises à violer les frontières internationalement reconnues de ses voisins. En 2008, c’est le tour de la Géorgie. La Russie occupe depuis 20% du territoire géorgien, en Ossétie du Sud et en Abkhazie. En 2014, c’est au tour de l’Ukraine. La Russie fait main basse sur la Crimée, puis s’installe dans l’est de l’Ukraine. Au total, la Russie occupe à cet instant 5 espaces en dehors du droit international. Et rien ne laisse penser que le Kremlin souhaite s’en retirer à court terme. Il s’agit, bien au contraire, d’avoir une capacité de nuisance pour contraindre les autres pays à considérer la Russie. L’obsession du Kremlin est de ne plus être mis de côté. Moscou veut être à la table des négociations, quitte à ce que ce soit en position d’empêcheur de tourner en rond.

Pourtant, la guerre en Ukraine est à l’origine d’une crise internationale qui par le jeu des sanctions économiques est venue accentuer une crise économique antérieure. A travers la guerre en Ukraine, la Russie entend garder la main sur son “étranger proche” et se donner les moyens de peser sur Kiev. L’idéal pour la Russie serait d’aboutir à un compromis dans lequel l’UE financerait la remise en état d’une Ukraine sous influence russe. “Pourquoi ne pas utiliser la crise comme une aubaine pour réinsérer la Russie dans l’architecture de sécurité européenne, si possible en poussant à la porte les Etats-Unis ?”, voilà une question qu’on se pose probablement à Moscou. Avec 22 pays membres de l’UE également membres de l’OTAN, l’affaire n’est pas gagnée, mais il peut se trouver des pays prêts à jouer le jeu de Moscou, comme la Hongrie ou la Grèce, demain la Serbie (candidate à l’UE).

Dans le mur d’une économie de rente

Au début des années 2000, certains experts français proches du Kremlin prétendaient que “La Russie n’est plus une économie de rente”, grâce à la stratégie de diversification mise en oeuvre par V. Poutine. Depuis, celui-ci a reconnu plusieurs fois pour le déplorer que la Russie demeure une économie de rente, excessivement dépendante des hydrocarbures. La baisse des prix du pétrole, en partie sous l’effet du ralentissement de la croissance des pays émergents, a contribué à mettre l’économie russe dans le mur. Les résultats économiques pour 2014 et 2015 sont médiocres. A Moscou, les locataires en profitent pour renégocier leur loyer à la baisse de plus de 20%. Depuis le début de l’année 2014, le rouble a perdu plus de 42% de sa valeur face  à l’euro. La chute des cours des matières premières plombe le budget de l’Etat. La fuite des capitaux avoisine 80 milliards de dollars par an, ce qui pénalise les investissements, donc les perspectives de croissance. Les sanctions qui font suite à la guerre en Ukraine pénalisent l’exportation vers la Russie des technologies utiles à l’exploration de nouveaux champs d’hydrocarbures.

Dans le mur de sa démographie

Depuis trop longtemps, la Russie traverse un hiver démographique. Sa population diminue à vue d’oeil. En 1991, la population du la Russie avoisinait 149 millions d’habitants. En 2015 sa population ne compte plus que 143 millions d’habitants. Soit 6 millions de moins. Les prévisions envisagent en 2050 une Russie de 134 millions d’habitants, voire moins selon les scénarios les plus sombres (103). Cela s’explique par un nombre record d’avortements, une surmortalité infantile et des hommes adultes, une faible espérance de vie, une longue tradition de faible fécondité.

Sur le long terme, la crise démographique entre en synergie avec les difficultés économiques parce que le vieillissement de la population devrait entraîner une diminution de la population active et une augmentation des inactifs. Face à une Chine et une Inde qui pourrait chacune compter 1,3 milliard d’habitants en 2050, une Russie de vieillards risque d’éprouver quelques difficultés à contrôler l’espace et valoriser ses ressources.

Ces défis économiques et démographiques sont extrêmement difficiles à relever, alors mieux vaut détourner l’attention en traversant les frontières des voisins. Avec des médias bien en main, cela produit des effets positifs auprès de larges pans des opinions russes. Pourquoi se gêner ?

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celle de Global Brief ou de l’Ecole des Affaires publiques et internationales de Glendon.

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