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C’est une question de respect

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C’est une question de respect

Depuis la fusillade de samedi en Arizona, les politiciens, les journalistes et les commentateurs discutent du ton et de la teneur du débat politique aux USA. J’ose avancer que le problème ne se situe pas au niveau du discours en tant que tel, mais plutôt que ce discours, justement, est le symptôme d’un malaise bien plus profond. Le problème, c’est le manque de respect à tous les niveaux de la société; la politique reflète et perpétue cette réalité. L’idée d’une solidarité sociale, l’esprit de communauté et de patrie, au-delà de la rhétorique, est-elle en voie de disparaître? Je ne suis pas nostalgique d’une époque révolue, et je ne tente pas de l’être. L’histoire est loin d’être nécessairement meilleure que le temps présent. Nous vivons, toutefois, à l’ère des dislocations et notre relation avec l’autre est en voie de changement.

L’être humain, sans contredit, est encore capable d’empathie. L’anniversaire du tremblement de terre en Haïti fait rejaillir pleins d’émotions. Nous avons été touchés et nous avons voulu aider ce pays, ces gens, qui continuent de faire face au pire. La reconstruction est lente et difficile, désorganisée, mais les bonnes intentions demeurent. Tout le monde est prêt à aider Haïti, c’est la cause parfaite sur laquelle on peut tous s’entendre.

Dans notre vie de tous les jours, dans nos débats publics, on ne s’entend pas, on ne s’écoute pas, on ne se comprend pas, conséquence on ne se respecte pas. Je n’ai rien contre les nouvelles technologies de l’information, Facebook et Twitter. Il faut, toutefois, admettre que ces média ont des effets importants sur les façons dont nous menons le débat public. Twitter, entre autre, permet de distribuer de l’information rapidement, de blaguer, de s’exprimer immédiatement à chaud, pour être pertinent. Malheureusement, Twitter c’est aussi affirmer sans justifier, sans s’expliquer. On va droit au but, on va à l’essentiel, on s’en prend à l’autre, on insulte, souvent sous le couvert du comique.

Aucun individu n’est prêt à reconnaître qu’il manque de respect. Mme. Palin, vous avez raison, vous n’avez rien à voir de façon directe avec la tentative d’assassinat de la Représentante au Congrès Gabrielle Gifford. Sauf, qu’à force de classer et de diviser les gens en deux catégories, les patriotes qui supportent la constitution, et les traîtres socialistes qui minent le pays, on en vient à se détester. L’autre extrême n’est pas mieux, celle qui brulait l’effigie de George Bush. Cette colère, elle n’est pas unique à l’Amérique. Elle est, sans contredit, destructrice.

Les élections se gagnent en criant, en faisant le clown, en ridiculisant l’autre. Pourquoi avoir un programme, ou des idées, c’est tellement superflu. Lors de la dernière élection fédérale au Canada, le Parti Conservateur est entré en élection sans programme, sans proposer quoi que ce soit. Ils ont présenté un programme en fin de campagne, sous la pression des média. À quoi bon, de toute façon, puisqu’on ne vote plus sur un programme, mais pour des individus et quelques idées faciles et bien reçues. Lorsqu’on a rien à dire, on crie et on s’insulte. C’est plus simple, ça ne demande aucun effort. Débattre et discuter, c’est du travail pour lequel on n’est pas récompensé. Traiter quelqu’un de menteur, c’est choc, on vous croit (on est prédisposé à croire de toute façon que les politiciens mentent) et c’est payant. Affirmer que quelqu’un est menteur c’est du revers de la main rejeter tout ce que cette personne dit sans faire de distinctions. C’est, supposément, du franc-parler!

La politique a toujours été un jeu sale. Personne ne s’en cache. Dans les démocraties occidentales, tout au moins, on ne menace plus et on ne bat plus les gens lorsqu’ils sortent des urnes. Je suppose qu’à ce niveau, il y a eu du progrès.

Comme politologue, j’aime le débat, l’échange d’idées, la discussion. C’est ce qui m’a personnellement attiré à la science politique. Un bon débat, c’est lorsqu’il y a un échange honnête de points de vue. Plus souvent qu’autrement, le bon débat mène au compromis, tout au moins à la reconnaissance de la validité de l’opinion de l’autre. Par définition, le débat est long. On ne résout pas de grands maux en quelques secondes. Lorsqu’on arrive à la table, on est en mesure de proposer quelque chose, on n’arrive pas les mains vides, et on y croît. Cependant, on est aussi ouvert à l’autre, on lui fait confiance, et on l’écoute. Le débat ne mène pas à l’unanimité, sauf qu’en se parlant, on est en mesure de mieux se comprendre. C’est incroyable ce que l’on peut accomplir de cette façon. Le leadership, c’est être en mesure de mener ce débat, pour en arriver à une conclusion heureuse. Les bons leaders sont difficiles à trouver. On a de moins en moins de temps dans nos sociétés pour le vrai débat. Il faut que nos politiciens agissent de façon décisive et vite, sans une seconde pensée. Ils ne peuvent pas admettre l’erreur, on ne peut pas reculer. Dans ce contexte, on prend les décisions faciles, pour le reste on remet à plus tard. La discussion ne règle pas tout. Sans discussion, cependant, c’est le chaos.

Le débat requiert une communauté, une volonté de vivre ensemble, de partager et d’être. Cette communauté est physique, quoi qu’en théorie, rien n’empêche qu’elle puisse être virtuelle. Ces communautés ne peuvent pas êtres homogènes; elles se doivent, plutôt, d’êtres hétérogènes, diversifiées, inclusives de nombreux points de vue et expériences. C’est justement cette multiplicité de vécu qui fait vibrer la communauté. De nos jours, la communauté est fragile. Elle demeure, toutefois, le lieu d’échange avec l’autre.

Nous nous entendons tous sur le bien commun, défini librement, à atteindre : une société où tous peuvent au moins espérer obtenir une bonne qualité de vie. Nos désaccords portent vraiment sur ce que cela veut dire et sur la réalisation de cet idéal; nos désaccords portent sur le comment, la façon de faire pour y arriver. Reconnaître que nous vivons en communauté et faire un effort conscient pour se respecter, être honnête avec soi et les autres, s’écouter et s’entendre, représente, sans aucun doute, un gros pas dans la bonne direction.

Caveat lector : Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

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