Un petit deux sur Obama
Un peu plus de cinquante jours. VoilĂ ce quâil reste Ă la campagne Ă©lectorale amĂ©ricaine. On vient Ă peine de clore les conventions rĂ©publicaine et dĂ©mocrate et voilĂ que les experts se laissent dĂ©jĂ tenter par le jeu des prĂ©dictions. Comme le rapporte par exemple Richard HĂ©tu dans un article publiĂ© hier dans La Presse, deux politologues de lâUniversitĂ© du Colorado sâappuient sur des modĂšles dâanalyse politique pour affirmer quâObama nâa pratiquement aucune chance de lâemporter le 6 novembre, et quâil perdra presque tous les Ătats clĂ©s de lâĂ©lection (Floride, Ohio, Pennsylvanie, etc.).
Depuis quelques jours, on me demande donc souvent quelles sont les chances dâObama de lâemporter. Et je donne presque toujours la mĂȘme rĂ©ponse : « tu sais, au dĂ©but des primaires dĂ©mocrates en 2008, jâavais invitĂ© des experts amĂ©ricains Ă une confĂ©rence sur les Ă©lections amĂ©ricaines. Deux dâentre eux, sâappuyant sur des modĂšles dâanalyse politique, avaient prĂ©dit quâon aurait droit Ă un duel Clinton/Giuliani. On connaĂźt la suite⊠». Je reste donc sceptique quand deux politologues comme ceux citĂ©s par Richard HĂ©tu se disent absolument convaincus de savoir de quoi est fait l’avenir… Mais quand on insiste vraiment pour connaĂźtre mes prĂ©dictions â ou pour savoir « sur je qui je miserais un petit deux » â je finis par dire Obama.
Bien entendu, plusieurs Ă©vĂ©nements pourraient bouleverser la course dâici novembre (pensons Ă la possibilitĂ© quâune escalade des tensions entre IsraĂ«l et lâIran plonge les Ătats-Unis dans une autre crise au Moyen-Orient). Cela dit, si le scrutin se tenait ce soir, Obama aurait les meilleures chances de gagner, et ce, pour au moins trois raisons :
- Intentions de vote. Comme lâillustrent les donnĂ©es recueillies par lâĂ©quipe de Real Clear Politics, Romney parvient rarement Ă se hisser devant Obama dans les intentions de vote. Depuis un an, il aurait ainsi menĂ© la course Ă une seule reprise, pendant quelques jours en octobre 2011. Qui plus est, Romney nâa pratiquement profitĂ© dâaucun rebond dans les sondages au lendemain de la convention rĂ©publicaine, contrairement Ă Obama, qui mĂšne dĂ©sormais par trois points et qui pourrait creuser lâĂ©cart au cours des prochains jours, grĂące Ă une convention dĂ©mocrate qui, comme le dĂ©montre un sondage Gallup, a davantage plu aux AmĂ©ricains que la convention rĂ©publicaine.
- Sondages dans les Ătats clĂ©s. Comme lâillustrent encore une fois les donnĂ©es recueillies par Real Clear Politics, Obama est actuellement favori dans la plupart des Ătats clĂ©s de la prĂ©sidentielle. Pour mĂ©moire, les Ătats clĂ©s sont, comme le souligne mon collĂšgue Julien Tourreille, ces « Ătats dans lesquels lâĂ©cart entre les candidats Ă la prĂ©sidence est [gĂ©nĂ©ralement] infĂ©rieur Ă 6% ». Obama mĂšne ainsi en Ohio, en Virginie, en Floride, en Iowa, au Wisconsin, au Michigan, en Pennsylvanie, au New Hampshire, au Colorado et au Nevada. De son cĂŽtĂ©, Romney est favori dans seulement trois Ătats clĂ©s : la Caroline du Nord, le Missouri et lâArizona. Bien entendu, lâĂ©cart entre les candidats est parfois trĂšs mince dans des Ătats aussi importants que la Floride. Cela dit, la situation actuelle ne correspond pas du tout Ă lâanalyse prĂ©dictive des professeurs citĂ©s par Richard HĂ©tu, qui estiment quâObama perdra pratiquement tous les Ătats clĂ©s.
- Le facteur biĂšre. Avec quel candidat aimeriez-vous le plus boire une biĂšre ou regarder un match de football ce soir ? Cette question, qui peut paraĂźtre banale, est fort utile pour comprendre en partie le comportement des Ă©lecteurs amĂ©ricains. En 2004 par exemple, plusieurs affirmaient quâils prĂ©fĂ©reraient de loin la compagnie de George W. Bush Ă celle de John Kerry, et ce, mĂȘme sâils nâĂ©taient pas toujours dâaccord avec les politiques rĂ©publicaines. Bush avait un certain sens de lâhumour disait-on, alors que Kerry avait lâair coincĂ©, Ă©trange (il parlait français !!!) et Ă©loignĂ© des prĂ©occupations de « lâAmĂ©ricain moyen ». Cette annĂ©e, câest au tour dâObama de mener sur son rival en ce qui a trait au « beer factor ». On a bien tentĂ©, lors de la convention rĂ©publicaine, de convaincre que Romney est une personne aimable, mais seulement 48% des AmĂ©ricains ont une opinion favorable de lui (contre 57% pour Obama).
Dâautres donnĂ©es illustrent bien sĂ»r que la course est loin dâĂȘtre terminĂ©e et quâon aura vraisemblablement droit Ă une autre Ă©lection serrĂ©e le 6 novembre. Par exemple, alors que lâĂ©conomie est le facteur le plus important de cette Ă©lection, on rappelle souvent quâaucun prĂ©sident depuis Franklin Delano Roosevelt nâa Ă©tĂ© réélu quand le taux de chĂŽmage dĂ©passe 7,2%. Ce taux atteint actuellement 8,1%… Obama devra donc pouvoir compter sur de meilleurs chiffres sur lâemploi dâici novembre sâil veut maximiser ses chances dâĂȘtre réélu. Mais sâil faut en croire les AmĂ©ricains, qui, eux, prĂ©disent majoritairement une victoire dĂ©mocrate cette annĂ©e, il reste tentant, pour lâinstant, de parier sur une victoire d’Obama malgrĂ© tout. Pas 10 000$, car nous ne possĂ©dons pas la fortune de Romney, qui n’avait pas hĂ©sitĂ©, il y a quelques mois, Ă dĂ©fier Rick Perry de parier cette somme avec lui lors d’un dĂ©bat rĂ©publicain. Mais un « petit deux » bien timide? Pourquoi pas.
Les opinions exprimĂ©es dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflĂštent pas nĂ©cessairement celles de Global Brief ou de lâĂcole des affaires publiques et internationales de Glendon.
The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.
