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Typhon à venir en Mer de Chine?

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Typhon à venir en Mer de Chine?

Le regain de tension en Mer de Chine Méridionale impose un rappel des différends opposant les principaux protagonistes de la région. Actuellement en mission à Hanoi, Yann Roche, professeur au Département de géographie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et expert des questions d’Asie du Sud-est analyse ici dans un texte clair les réalités des enjeux territoriaux dans cette région, et les risques d’escalade.

La tension entre la Chine et plusieurs pays riverains de la Mer de Chine Méridionale n’est pas nouvelle. Les revendications territoriales sur les archipels des Spratleys et des Paracels sont depuis longtemps à l’origine de querelles récurrentes entre la République Populaire de Chine et le Vietnam principalement, mais aussi avec les Philippines, la Malaisie, Brunei et Taiwan. La raison principale de cet intérêt pour ce qui ne sont à prime abord que de minuscules îlots rocheux est la présence supposée d’important gisements d’hydrocarbures offshore. Certes, ce potentiel n’est pas totalement confirmé, mais pour les pays riverains, le jeu en vaut la chandelle, surtout dans un contexte de besoins énergétiques croissants, notamment bien entendu pour la Chine. Mais à ces considérations économiques s’ajoutent des (hyper)sensibilités nationales basées sur des rivalités séculaires.

Ces rivalités sont particulièrement fortes entre Hanoi et Beijing, le Vietnam ayant été pendant des siècles colonisé par les Chinois, une colonisation qui a laissé des traces. Le dernier conflit armé dans la région, en 1979, a d’ailleurs opposé ces deux pays, plus sous la forme d’escarmouches de frontière que de guerre proprement dite. Il y a donc, au-delà de la question des ressources naturelles, de vieux comptes à régler entre Chinois et Vietnamiens. Tandis que Beijing affirme depuis longtemps que la Mer de Chine Méridionale lui appartient de plein droit, les Vietnamiens décrivent la zone revendiquée par les Chinois telle qu’elle apparaît sur la carte de ce qu’ils appellent le Mer de l’Est comme une « langue de bœuf» qui traduit bien à leurs yeux la « gourmandise » de leurs puissants voisins.

Cette tension, qui se bornait des deux côtés à des incidents mineurs et isolés ainsi qu’à des démonstrations de force ou à des discours enflammés, a grimpé d’un cran depuis le 26 mai, lorsqu’un navire d’exploration pétrolière vietnamien a été heurté par un bateau de pêche chinois. « Action délibérée » selon les Vietnamiens, « accident » selon les Chinois, ce fut le point de départ d’ une guerre des mots entre les deux voisins, suivie par des exercices maritimes à tirs réels dans la région, par le Vietnam le 13 juin, puis la Chine le 17. À cette escalade en bonne et due forme, s’est ajouté un affrontement dans le cyberespace, chacun des deux pays accusant l’autre d’avoir accédé à des sites gouvernementaux de l’autre, pour y déposer notamment des drapeaux de l’adversaire. Les opinions publiques, notamment du côté vietnamien, ont également été mobilisées, en réponse à « l’agressivité chinoise », y compris sur Facebook, ce qui est d’autant plus intéressant, voire ironique, que les réseaux sociaux sont bloqués par les deux gouvernements en question.

Mais ce qui est nouveau, aussi, dans ces derniers évènements, c’est la réaction des autres pays impliqués dans ces revendications territoriales. Les Philippines, qui ont-elles aussi des visées sur les Spratleys, ont dépêché dans la zone un de leurs navires de guerre, qui a la caractéristique d’être le plus vieux navire de guerre en activité, bien que son ministère de la Défense ait nié qu’il y ait le moindre lien avec le déploiement de navires chinois dans la région. Et si Manille et Hanoi se rapprochent pour s’opposer à Beijing sur cette question controversée, selon le vieux proverbe qui veut que « l’ennemi de mon ennemi soit mon ami » cela pourrait entraîner un changement dans la donne géostratégique dans la région. En effet, les Philippines peuvent compter sur le soutien indéfectible des États-Unis, jusqu’ici peu diserts dans le dossier. Et, de fait, ces derniers ont donné signe de vie lors de la dernière fin de semaine, se déclarant par la bouche d’Hillary Clinton, « troublés » par la tension en Mer de Chine Méridionale et appelant à la recherche d’une solution pacifique entre les deux voisins communistes.

Alors que, en cette saison des typhons, la montée des tensions laissait présager un « coup de tabac » sur la Mer de Chine Méridionale, un pas a toutefois été effectué ces derniers jours en direction d’un éventuel apaisement, officiellement du moins. Samedi dernier 25 juin en effet, le vice-ministre des affaires étrangères vietnamien, Ho Xuan Son, a rencontré à Beijing le conseiller d’état chinois Dai Bingguo, et les deux parties ont convenu d’un communiqué conjoint réaffirmant leur volonté de maintenir et de développer des relations de partenariat et de coopération stratégique entre les deux voisins selon la devise “Bon voisinage, coopération intégrale, stabilité durable et orientation vers l’avenir” et dans l’esprit “Bon voisin, bon ami, bon camarade, bon partenaire”. Discours diplomatique ou réelle volonté d’apaisement? Il est toutefois certain que les opinions publiques sont mobilisées et qu’il faudra du temps pour faire retomber la tension… s’il n’y a pas de nouveaux incidents.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de Global Brief ou de l’École des affaires publiques et internationales de Glendon.

The opinions expressed in this blog are personal and do not necessarily reflect the views of Global Brief or the Glendon School of Public and International Affairs.

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